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Geneviève à cause de Luce, car elle commençait à l’aimer comme une sœur.

« Il faut que cet homme fasse appeler le notaire, dit-il à voix basse aux femmes ; s’il ne sait pas écrire, il n’a point laissé chez lui de testament, et il a des dispositions à faire. »

Jean avait, outre son état et ses outils, un petit bien, comme tous les montagnards, consistant en sa chaumière, un jardin, un coin de broussailles sur la colline, un ou deux petits prés et un steppe dans le creux du rocher. Il n’avait jamais pensé, si jeune qu’il était, à en disposer après lui. Il croyait que ce petit patrimoine passerait tout naturellement à sa femme et à son enfant. Il ne s’en était jamais inquiété. Cependant, quand le médecin lui eut expliqué que l’enfant posséderait tout quand il aurait vingt et un ans, et que sa pauvre Luce serait peut-être à la merci d’une belle-fille dans son propre foyer, il consentit à laisser venir un notaire et des témoins pour partager le bien entre sa femme et son fils. Je fus un des témoins tout prêts pour cet acte suprême qui unit le mort aux survivants par l’héritage. Le notaire logeait à deux pas de l’auberge.

Jean, comme il arrive toujours au dernier moment, avait repris toute la lucidité de son intelligence.


CXLIX


Il dicta à voix haute son testament au notaire, qui écrivit sous sa dictée ces mots : « Je lègue la jouissance de mon bien au Gros-Soyer à Luce, ma femme, et la propriété, après elle, à mon fils. »

« Est-ce tout ? dit le notaire au mourant.

« — Oui, reprit le pauvre homme. Puisque ma femme