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tout petit que je suis ! Mais, mon Dieu ! que ma mère va donc avoir du chagrin quand je lui dirai pourquoi je reviens tout seul, et que mon père m’envoie la chercher pour lui dire adieu avant de partir pour un pays dont on ne revient plus jamais ! jamais ! jamais ! répéta deux ou trois fois l’enfant consterné.

« — Oh ! tu n’iras pas tout seul, s’écria Geneviève en l’embrassant de nouveau ; j’irai plutôt avec toi, vois-tu, moi ! ou plutôt tu n’iras pas plus loin qu’ici ; j’irai à ta place, moi ; je vais partir tout de suite pendant que tu dormiras ; je demanderai aux Échelles la paroisse où il y a le hameau du Gros-Soyer, et je te ramènerai ta mère Luce demain soir, que tu mèneras à Voiron voir son mari, et il faut espérer qu’il ne lui dira pas adieu pour si longtemps que tu crois, pauvre petit ! »

En disant cela, Geneviève se mit à ôter ses sabots, à chausser ses souliers. Je l’arrêtai par le bras.

« Non, lui dis-je, Geneviève ; vous n’irez pas, ni le petit non plus. Je vais aller réveiller un de vos bons voisins, qui connaît le pays, je lui payerai sa journée et celle de son mulet, pour aller chercher au Gros-Soyer la femme du magníen. Il fera monter, en revenant, cette pauvre femme sur sa bête, et ils seront ici avant la fin de la journée de demain. Vous, vous allez faire dormir quelques heures le petit, qui succombe de fatigue et de sommeil. Au point du jour, vous monterez tous deux sur mon cheval, qui est bien doux et que je mènerai moi-même par la bride. Nous descendrons ensemble à Voiron, le petit nous conduira dans la maison où il a laissé son père malade ; je ferai venir un médecin, qui est de mes amis ; vous soignerez le mari de Luce comme vous avez tant l’habitude d’en soigner d’autres ; sa femme viendra après le consoler de son adieu s’il doit mourir, ou le ramener s’il doit vivre, et vous