font retour en arrière chaque fois que nos pieds font un pas en avant, quand arriverons-nous ? »
Et je l’engageai à presser le pas.
Mais, au moment où nous tournions l’angle du rocher pour nous engager sur la culée du pont de bois rouge, Geneviève s’arrêta en poussant une exclamation de surprise et en laissant tomber son paquet, qui roula dans la poussière. « Tiens ! qu’est-ce que je vois, mon Dieu ? » s’écria-t-elle. Je m’avançai, et je vis une quarantaine d’hommes, de femmes, de vieillards, de jeunes filles et de petits enfants, groupés au milieu du pont, tous tenant quelque chose à la main et regardant du côté où nous descendions, comme pour arrêter quelqu’un au passage.
En apercevant Geneviève, tout ce monde s’ébranla, les enfants les premiers, les filles après, puis les hommes, puis les femmes, puis les vieillards, comme dans une procession des Rogations dans ces chemins jonchés de branchages de sapin. « La voilà ! la voilà ! criaient les petits enfants en battant des mains. — Oui, c’est elle et le monsieur, disaient les jeunes filles. — Elle croit partir tout de bon, disaient les femmes, mais elle n’aura pas le cœur de quitter ainsi le pays, peut-être ! — Nous saurons bien l’en empêcher, disaient les hommes en étendant les deux bras vers les balustrades du pont, comme pour le barrer ; le pont est à nous ! » Les chiens, effrayés, s’étaient réfugiés entre nos jambes ; Geneviève restait changée en statue au bout du pont.
« Eh bien, Geneviève, lui dis-je tout bas en souriant,