« — Eh bien, qui ? demanda le vieux père, plus hardi que les autres.
« — La plus honnête fille de Voiron et la victime volontaire qui pâtit pour le mal qu’elle n’a pas fait !
« Elle dit ça, monsieur, en frappant tellement du pied, en regardant tous les visages avec un air si sûr de ce qu’elle disait, en élevant tellement la voix et en appuyant tellement sur les mots, comme si elle avait défié Dieu lui-même de la démentir, que toute l’écurie en trembla, et que le père, la mère, Cyprien, sa femme, la bergère, changèrent de figure et approchèrent leurs visages du sien pour mieux l’écouter.
« Alors, malgré tout ce que je pus faire, elle leur raconta tout ! tout, monsieur : mon attachement surnaturel pour Josette, ma promesse de lui tenir lieu de mère, mon chagrin d’avoir été obligée de renoncer à Cyprien pour ne pas la quitter, le mariage secret de cette imprudente fille avec le maréchal des logis, son enfant, sa mort, l’accusation contre la sage-femme, la faute prise sur moi pour couvrir la mémoire et la croix de vierge de ma sœur, ma générosité (elle l’appela ainsi, monsieur) de venir la délivrer de prison et m’y faire recevoir à sa place en me laissant croire fautive de ce qui n’était pas ; enfin, tout, quoi !
« — Et voyez, ajouta-t-elle encore en me faisant taire forcément quand je voulais l’arrêter ou la contredire, voyez ! la voilà encore qui voudrait être avilie et méprisée devant vous, et qui souffre la misère, la honte, la faim et le froid, plutôt que de réclamer ce qui lui revient : sa réputation et sa vertu !… Ce que j’ai dit est dit, » ajouta-t-elle en finissant.
« Puis elle m’embrassa encore en pleurant, et elle me dit : « Mam’selle Geneviève, pardonnez-moi ici-bas ; je suis sûre que votre pauvre sœur défunte me pardonne