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presque, je reconnus, qui ?… Vous ne le diriez pas en cent mille…

« La sage-femme, la mère Bélan, de Voiron ! celle que j’avais retirée de prison en y entrant à sa place !


CXV


« La mère Bélan me releva et m’embrassa au moins vingt fois devant tout ce monde étonné, comme si j’avais été quelque chose. Je lui fis signe de se taire et de me laisser passer pour ce que je n’étais pas.

« — Eh bien, c’est trop fort ! qu’elle s’écria en frappant du pied sur le plancher des vaches et en mettant ses deux mains sur ses hanches pour regarder la mère et le père, qui faisaient avec les lèvres des airs de dégoût. Non, c’est plus fort que moi ! j’aime mieux manquer à ma parole pour sauver une bonne fille, que de la tenir pour laisser condamner et avilir une innocente ! »

« Je lui mis la main sur la bouche en lui faisant un clignement suppliant des yeux.

« Elle écarta ma main de ses lèvres, et, se tournant malgré moi vers le père, la mère, la bergère, Cyprien et sa jeune femme :

« — Je dirai tout, une fois dans ma vie ! qu’elle fit comme en s’impatientant. Eh bien, vous autres, leur dit-elle, savez-vous qui vous injuriiez, qui vous méprisiez, qui vous traitiez ainsi comme la balayeuse des rues ? »

« Ils se turent.

« — Non ?… Eh bien, je vas vous le dire, moi, et ça vous apprendra à ne pas parler sans savoir !