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« Tout en parlant ainsi, elle regardait attentivement mon visage, que je ne pouvais ni baisser ni détourner assez devant la lumière pour lui dérober ma figure. Tout à coup elle poussa un cri comme j’avais fait, et elle dit : « Est-ce bien possible ? Mam’selle Geneviève ici… dans cette misère, demandant son pain !… »

« Je vis que tout était perdu, et n’ayant plus d’espoir que dans sa compassion pour me laisser échapper : « Oui, Catherine, lui dis-je à demi-voix, c’est moi, c’est la tailleuse de Voiron qui vous a cousu de ses doigts cette robe, et qui vous a faite belle pour vos fiançailles, quand elle était elle-même riche et honorée de tous dans son état ! La misère est tombée sur moi. » Et, prenant le bas de sa robe dans mes deux mains : « Au nom de cette robe de noces que je vous ai faite dans le temps, lui dis-je, et au nom de l’enfant que vous portez, laissez-moi sortir sans boire ni manger ; que Cyprien, votre mari, ne voie pas ma honte et ma pauvreté ! »


CXII


« La belle femme portait la main à ses yeux, comme si mes paroles lui eussent été au cœur, tant elle paraissait pitoyable pour le pauvre monde, quand un grand bruit de gens qui descendaient l’escalier de bois se fit entendre à la voix de la bergère, qui criait toujours. Cyprien, sa vieille mère boiteuse, le père et la gardeuse de vaches entrèrent à la fois dans l’étable. Je restai comme frappée du tonnerre, à genoux, la tête inclinée et tenant encore des deux mains le bas de la robe de la femme de Cyprien. Un grand rayon du soleil du matin don-