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Dauphiné et tâcher de gagner ma vie comme ouvrière ici ou là, dans les alentours de Voiron. Peut-être que la faute qu’on y a mise sur moi sera oubliée, que de braves gens me prendront pour soigner les enfants, pour soigner les cocons de vers à soie, ou pour étirer et blanchir les toiles. »


XCIV


« Après mon entretien payé, il ne me restait plus de mes gages de trois ans qu’une bourse de douze écus dans un bas et quelques nippes. Une voiture de coquetier qui menait des châtaignes de Lyon, et dont je connaissais le maître, me ramassa sur la route et me permit de monter et de m’asseoir sur ses sacs pour une pièce de vingt-quatre sous que je lui donnai. La neige me mouilla, le froid me saisit, et, arrivant à Lyon, il fallut me descendre à la porte de l’hôpital. Les sœurs m’y reçurent : elles eurent bien soin de moi. Je fis amitié avec deux d’entre elles qui servaient dans la salle des femmes. Cela me paraissait si beau et si bon, monsieur, de servir ainsi tout le monde, connu, inconnu, propre ou répugnant, sans leur rien demander, en leur obéissant au contraire et pour un gage qu’on ne recevait que du maître de tous dans le paradis ! Dieu, que je les enviais ! Je leur demandai si je ne pourrais pas faire comme elles, puisque j’étais servante aussi. Elles me dirent que oui, mais qu’il fallait avoir de bons renseignements, avec une petite dot, et entrer dans un couvent, d’où on m’enverrait ensuite comme elles dans un hôpital. Des renseignements ? ils n’auraient pas été bons. Un couvent ? on m’aurait dit : « D’où venez-vous, et qu’apportez-vous ? » Une