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voudrez ; nous n’avons pas honte de vous, nous ! »

« Oui, c’est vrai, ils n’avaient pas honte de moi, eux ; mais croiriez-vous que les autres leur firent honte de leur charité pour moi ! Oui, monsieur, la méchante épicière commença par lui retirer sa pratique et celle de sa fille, et puis celle de toutes les dames ses amies, en disant : « Ces gens sont bien insolents et bien peu délicats de prendre chez eux une vagabonde qui a trompé la confiance d’une honnête maison comme la nôtre, en sortant de prison pour ceci, pour cela ! » pour mille choses affreuses dont on me croyait coupable, comme d’avoir voulu perdre et peut-être bien tuer un pauvre enfant ! Enfin, quand je vis cela, monsieur, et que la charité de la cordonnière pour moi était la cause de tout le mal, et que le travail et le pain baissaient à cause de moi dans la boutique, je me dis : « Il ne faut pourtant pas que tu portes malheur au pauvre monde. » Je dis adieu à la cordonnière et son mari, j’embrassai les enfants, et je partis un soir pour que personne ne me vît sortir de la ville. La cordonnière m’avait remis une lettre pour la femme d’un bourgeois de Lyon qu’elle avait servi étant jeune. Elle disait que j’étais sage, rangée, et qu’il n’y avait rien à redire sur mon travail. Elle la priait de m’être secourable si par hasard elle ou quelque dame de ses amies avait besoin d’une fille de service.


LXXXVII


« Cela tomba bien, monsieur ; car, le lendemain du jour où j’arrivai à Lyon, la fille de cette dame, qui venait d’épouser un fabricant de Tarare, me prit à son service et m’emmena avec elle dans une maison de campagne qu’elle