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était pris ; je suis obstinée, c’est mon défaut, comme me disait quelquefois en riant monsieur le curé ; je ne voulus rien entendre, et je sortis de la prison avec plus de hardiesse que je n’y étais entrée.


LXXIV


« Le lendemain, à midi, je me fis conduire chez le juge ; on me fit entrer dans son cabinet. C’était un monsieur qui avait l’air sévère et soupçonneux en vous regardant. Je perdis un moment la parole devant lui. Il écrivait.

« — Que voulez-vous, mon enfant ? me dit-il d’une voix rude en relevant la tête.

« — Monsieur le juge, lui dis-je en balbutiant et en tremblant malgré moi, comme quelqu’un qui aurait fait un crime, il y a dans votre prison une femme de Voiron qu’on appelle la mère Bélan. C’est la sage-femme du faubourg de l’endroit ; chacun l’estime et l’aime dans le quartier et dans la campagne. On l’a accusée d’avoir porté un enfant légitime au tour, pour épargner la dépense de son entretien à un père et à une mère mariés, qui voudraient ainsi voler la charité. On lui a dit qu’on la retiendrait en prison jusqu’à ce qu’elle eût avoué d’où vient le nourrisson.

« — Eh bien ? qu’il me dit en se levant et en me regardant avec des sourcils plus froncés qu’auparavant.

« — Eh bien, monsieur, puisqu’il faut vous le dire, le nourrisson n’a ni père ni mère légitimes ; la sage-femme est innocente, elle est punie pour la faute d’autrui ! L’enfant vient…

« — De chez qui ?