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« Cela dura comme cela plusieurs jours, pendant lesquels la pauvre fille, tantôt sur le lit, tantôt debout, dans la petite chambre, ou assise sur la chaise, la tête sur son bras, pleura toute l’eau de son cœur et but ses larmes jusqu’à ce que son cœur fût noyé dedans ! J’allais, je venais, j’entrais chez elle, vingt fois par jour, et toute la nuit. Oh ! que tu es bonne ! me disait-elle ; je t’ai trompée, je t’ai déshonorée, et c’est toi qui me consoles ! » Elle avait été si imprudente, c’est vrai ; mais elle avait si bon cœur, monsieur ! Je crois que depuis son malheur je l’aimais encore davantage.

« Au bout de huit ou dix jours elle reprit sa vie ordinaire avec moi dans la boutique, et son ouvrage sur ses genoux. Seulement elle ne jasait plus, elle ne riait plus avec l’un et avec l’autre comme autrefois. Quand elle n’était pas là, les voisines me disaient : « Votre petite sœur devient sérieuse, mam’selle Geneviève ; ça commence à réfléchir, il faudrait penser au mariage ; quand le fruit mûrit, la fleur tombe ; quand le vin a son temps, il ne mousse plus. » Vous jugez si ça me faisait mal d’entendre ça ; mais personne ne se doutait de rien. La maison paraissait tout comme à l’ordinaire. Seulement on disait dans le quartier : « Geneviève devrait penser à marier sa sœur, voilà que c’est temps. » Et les garçons de Voiron passaient le dimanche devant la vitre, et disaient à leurs parents : « Je l’aimerais bien tout de même ! »


LXV


« Pourtant, monsieur, jugez si nous étions tristes toutes deux ! Voilà que le temps passait et qu’il y avait près de