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ser vingt fois par jour devant le jardin de l’hôpital, où l’on voyait les malades assis sur des chaises au soleil, par-dessus le mur. Quand elle était à la boutique, elle regardait plus souvent à la vitre qu’à son ouvrage, et elle devenait toute rouge et toute pâle quand elle entendait seulement les bottes éperonnées d’un militaire sur le pavé. Elle rêvait, elle laissait à chaque instant effiler sa dentelle sur ses genoux ; elle oubliait d’épingler son coussinet ; elle se levait comme pour aller chercher quelque chose dans notre chambre ; elle rentrait sans rien rapporter. Elle ne mangeait guère, elle ne dormait pas, elle soupirait la nuit. Je lui disais : « Qu’as-tu donc ? — Rien, qu’elle me répondait. — Je vois bien que si, peut-être ! Ah ! que tu es bête de penser à celui-là ! Est-ce que c’est fait pour des pauvres filles comme nous ? Est-ce que ce n’est pas un enfant de famille qui n’épousera jamais qu’une demoiselle de sa condition ? Est-ce qu’il t’emportera de garnison en garnison et à la guerre derrière son cheval, dans son porte-manteau ? Allons donc ! sois raisonnable et pense à tes dentelles ! — Est-ce qu’on pense à ce qu’on veut ? » me répondait-elle avec humeur. Je voyais bien que ces jeunesses, ça s’était parlé sans se rien dire, comme moi et Cyprien. Mais je pensais : « Bah ! c’est une idée folle, c’est une fleur d’avril ; ça gèle sur pied, ça partira avec le régiment ! »


LVII


« M. Septime, le maréchal des logis, était guéri : il venait de temps en temps à la maison pour remercier ses hôtesses. Il fallait voir alors comme Josette était contente !