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aise ! C’est pour le monde, à l’église, voyez-vous ; c’est pour faire honneur au pays, c’est pour qu’on ne dise pas que les filles de Montagnol ne sont pas aussi reluisantes, le jour de leurs noces, que celles de Valneige.

« — Vous êtes donc de Montagnol, lui demandai-je, sans vous offenser ?

« — Oui, j’épouse un garçon de Valneige ; il est bien connu de tout Voiron, allez ! je parie que vous le connaissez de vue et de nom, car c’est lui qui nous a dit d’aller faire nos emplettes chez vous…

« — Le fils du père Cyprien ! » lui dis-je.

« Je tremblais tellement des doigts à ce nom, que je lui piquai sa belle poitrine jusqu’au sang avec la pointe de l’aiguille de la collerette, en essayant de la faufiler. Je devins plus rouge qu’elle, et puis plus pâle, aussitôt après, que mon drap.

« — Qu’avez-vous, mam’selle Geneviève, que vous tremblez tant ? me dit-elle en essuyant sa goutte de sang, mais sans se fâcher.

« — Rien, mam’selle, que je lui dis ; mais c’est que, voyez-vous, je suis si honteuse de vous avoir piquée ainsi sans le vouloir ! »

« Oh ! Dieu, disais-je en moi-même en continuant de l’attifer, mais d’une main maladroite et avec un brouillard sur les yeux, qui aurait dit jamais que ce serait moi qui parerais la fiancée de mon amant pour son jour de noces, et que, quand il déferait ses boucles d’oreilles et son agrafe de collier après la messe, ce serait l’ouvrage de ma main qu’il toucherait sur le cou de son épousée ! »

« J’essayai bien de reparler encore une fois ou l’autre, je ne pus rien dire que oui et non ; pourtant je pris plaisir et peine à garder longtemps, longtemps, cette belle enfant dans ma chambre, pour une raison ou pour une