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taine gazouillant sous leurs pieds dans le cloître inférieur, elles laissaient sonner sans les entendre, aux églises voisines, les heures recueillies de ces belles nuits.


XVII


De quoi ne parlaient-elles pas à voix basse ! De leur tendresse toujours croissante l’une pour l’autre, du besoin incessant de se voir et de se revoir, de leur chagrin quand la règle de la maison ou les occupations de la journée les avaient séparées un moment, de la similitude si complète de leurs impressions, qui leur semblaient naître dans deux cœurs et dans deux regards d’une seule pensée, de leurs études, de leurs poëtes, de leur musique surtout, qui leur plaisait davantage encore que les vers, parce que les notes plus vagues disent plus d’infini et plus de passion que les mots ; du ciel, des étoiles, des grandes cimes des cyprès qui faisaient tourner lentement leurs longues ombres autour d’eux, comme des aiguilles de cadran qui mesurent le temps sur le sable ; des campagnes libres, des déserts peuplés de ruines, des solitudes voilées de chênes verts et des cascades murmurantes qui leur étaient cachées par ces grandes murailles derrière les remparts de Rome, des villas de leur enfance, vers Albano ou Frascati ; du bonheur de s’y retrouver un jour ensemble à l’époque où les vendangeurs et les vendangeuses d’Itri ou de Fondi dansent au tournant des chemins, où ils vont s’endormir aux airs napolitains des pifferari (joueurs de musette) ; enfin de leurs familles, de leurs parents, de leurs nourrices, de leurs patries si éloignées l’une de l’autre ; des tempêtes et des neiges, de l’Océan, de l’Angleterre et de la Bretagne,