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laissées vides par la mort de deux des anciennes recluses du couvent, à la suite des cellules des religieuse. Les deux petites chambres n’étaient séparées que par un mur ; elles prenaient jour sur la terrasse au-dessus du cloître, en sorte que, bien que les clefs des portes de leurs cellules qui donnaient sur le corridor fussent retirées chaque soir par la supérieure, Clotilde et Régina n’avaient qu’à ouvrir leurs fenêtres et à faire trois pas, à pieds nus, sans bruit, sur les dalles de la terrasse, pour passer de l’une chez l’autre, et prolonger longtemps dans la nuit les lectures, les entretiens ou les rêveries qui les avaient occupées le jour.

La règle de la maison les obligeait à se coucher à huit heures, même l’été, au moment où la lune et les étoiles donnent plus d’attrait au spectacle du firmament, et où la brise rafraîchissante qui souffle à cette heure-là des gorges de Tusculum, de Laricia ou de Tibur, commence à frissonner dans les flèches à peine ondulantes des cyprès.

C’était précisément l’heure où les âmes des deux jeunes amies commençaient à s’éveiller et à s’agiter aussi, après l’affaissement des heures brûlantes du jour, et où elles éprouvaient le besoin de respirer à la fois des frémissements de feuillage, des murmures de fontaines, et ces rêves à deux, ces délicieux dialogues à demi-voix qui doublent la vie en la reflétant.

Aussi, presque tous les soirs, aussitôt que les religieuses enfermées dans les cellules voisines avaient achevé les dernières dizaines de leurs rosaires, et éteint la lampe de leur prie-Dieu, l’une des deux amies se levait doucement, poussait sans bruit sa fenêtre, et passait dans la cellule de son amie qui l’attendait. Là, assises l’une et l’autre sur les bords de leur lit, ou sur le seuil de la fenêtre, en face des murs noirâtres qui bornaient d’ombres dentelées le jardin sous cette voûte étoilée du ciel, au bruit éternel de la fon-