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gourde, et les passants disaient en s’en allant : « Voyez donc Cyprien, il ramène sa fiancée, la Geneviève, la fille du vitrier. Un beau brin et bon brin de fille, ma foi ! » C’est ainsi qu’on disait, monsieur. Pardonnez-moi si je me vante ; mais il y a si loin, si loin de cela !


XXXVI


« Nous nous amusâmes si longtemps en route, qu’il était nuit close depuis deux grandes heures, qui ne nous avaient pourtant pas duré, quand nous arrivâmes au bas des montagnes, sur le pont des prés de Voiron. Cyprien, que la nuit rendait plus hardi, s’arrêta sur le pont, tout près de la maison de la ville : « Nous voilà arrivés, Geneviève, me dit-il tristement ; il faut nous dire adieu avant d’entrer dans la rue, où tout le monde vous écoute. — Eh bien, oui, Cyprien, disons-nous adieu là, lui répondis-je, et quand vous m’aurez descendue du mulet sur ma porte, où vous m’avez prise, vous n’entrerez seulement pas ; vous repartirez sans me dire plus haut que mon nom, pour que les mauvaises langues n’aient rien à dire. »

« Alors, monsieur, il mit ses deux bras sur le cou du mulet arrêté, comme un homme qui prie Dieu les deux coudes sur son banc à l’église ; il tourna la tête de mon côté, j’approchai mon visage du sien ; il me dit : « Adieu donc, mademoiselle Geneviève ! » Je lui dis : « Adieu donc, monsieur Cyprien ! » Et puis il soupira bien fort, je soupirai bien fort aussi, et puis il répéta : « Adieu, mademoiselle Geneviève ! » Et je répétai : « Adieu, monsieur Cyprien ! » et nous répétâmes bien cinquante fois chacun : « Adieu, Geneviève ! adieu, Cyprien ! » et autant