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qu’on appelle charme, ne darde pas seulement du front de la femme dans le regard de l’homme ; elle impressionne différemment, mais elle impressionne aussi les yeux et le cœur entre de jeunes beautés du même sexe ; elle produit chez les hommes l’amour, chez les femmes l’admiration et l’attrait de l’âme. La beauté est un don inconnu et une puissance magique. Il n’est permis à aucun être vivant d’y échapper. Être belle, c’est régner.

Ces deux jeunes filles sentirent l’une par l’autre cette puissance occulte de la beauté diverse, mais éclatante chez toutes deux. Cette diversité même, ou cette opposition de beauté concentrée dans Clotilde, rayonnante, transparente, explosive pour ainsi dire dans Régina, fut peut-être à leur insu une des causes qui les attirèrent davantage l’une vers l’autre. Les contrastes s’attirent, parce qu’ils se complètent. Leur amitié devint l’unique sentiment d’existence qu’elles eussent ainsi dans cette solitude. Les petites filles qui venaient après elles étaient trop enfants, les religieuses étaient trop avancées en âge et trop submergées dans leurs minuties et dans leurs pratiques pour offrir aucune occasion d’aimer à ces deux âmes de quatorze et quinze ans. Elles se sentaient refoulées sympathiquement l’une contre l’autre, et elles s’en réjouissaient intérieurement ; car, bien qu’innocente comme leurs cœurs, leur amitié était jalouse ; elles auraient été malheureuses de la moindre rivalité d’affection.


XVI


Elles ne couchaient point dans le dortoir des plus petites pensionnaires ; elles avaient pour elles deux cellules