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« La mère de Cyprien me présenta le banc de sapin à trois pieds pour descendre du mulet. Elle me prit par la main, toute boiteuse qu’elle était, et me mena gravement d’abord à l’étable, puis à la grange, au grenier à blé, à la laiterie, à la fontaine, au lavoir, au four, enfin dans la maison. Il y avait une longue table couverte de pain de brioche, de plats cuits au four et de brocs de vin. Elle me conduisit près du foyer ; on y voyait une quantité de marmites fumantes ; elle me fit toucher la crémaillère et les chenets, puis elle m’embrassa et me dit deux ou trois mots du pays que je ne compris pas.

« Je n’osais lui répondre, et, si je n’avais pas vu Cyprien, qui était avec ses parents, toujours derrière moi, je me serais sauvée. Les hommes se mirent à table ; la mère, les femmes et moi nous les servions ; seulement, de temps en temps le père me faisait asseoir sur le banc, manger un morceau sur le pouce et boire une tasse de vin blanc avec lui ; le reste du temps, je relevais ma robe de soie à l’agrafe de ma ceinture, je retroussais mes manches, j”ôtais ma coiffe, et j’allais dans l’évier à côté, avec les femmes, pétrir les galettes, récurer les plats et emplir les bouteilles pour les invités. « Elle n’est pas fière et elle est ouvrière, disaient les vieilles à la mère Cyprien ; vous avez du bonheur, ça fera une bonne servante à la maison. »


XXXIV


« Quand le dîner fut fini, et qu’il ne resta que les pères à table, devisant de choses et d’autres en buvant, Cyprien me mena promener dans le domaine, dans les sapins et dans le pré de son père. Les vaches paissaient dans l’herbe,