Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/251

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« — Ah ! monsieur, quand je dis traître, je veux dire étourdie ; mais bien malheureusement étourdie, vous allez voir. Mais avant de commencer à vous conter tout cela, laissez-moi jeter quelques éclats de sapin sur le feu qui va s’éteindre, et regarder dans la marmite si les pommes de terre que j’ai promis de porter avant le jour aux enfants de la pauvre Marguerite cuisent bien. »

Elle jeta des éclats sur le feu, elle ouvrit le couvercle d’étain, elle remit une poche d’eau sur les pommes de terre, qui brûlaient un peu, et elle vint se rasseoir sous la lampe. Je profitai de l’interruption pour délier le cordon de mon chien qui faisait du bruit avec ses grelots en prenant des mouches, et pour étendre une goutte d’huile de plus sur les bassinets de mon fusil. Geneviève continua ainsi :


XXVIII


« L’histoire des douze sous, que le père Cyprien avait racontée aux cabarets et sur la route en s’en allant, pour se vanter de sa finesse, et la promenade que j’avais faite dans les prés avec son fils le dimanche d’après, avaient fait du bruit dans Voiron. Les voisines et les jeunes filles mes amies faisaient semblant de se moquer de ce que j’allais épouser un jeune homme de la montagne, qui portait des guêtres de cuir et des cheveux longs ; mais au fond elles me portaient envie toutes ; je le comprenais bien quand on me disait qu’elles disaient entre elles : « Tiens ! puisque le beau montagnard voulait se marier en plaine, il aurait bien pu en trouver d’aussi jolies et de plus riches que Geneviève ! » Les plus sages me faisaient compliment ; elles me disaient : « Tu as bien fait, Geneviève, l’habit n’y fait rien, va ; tu