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à la place que ma mère m’avait indiquée vers un pilier au coin de la grille du chœur, où il y avait une chapelle qu’on appelait la chapelle des guérisons ; j’entendais la messe dans l’église froide et sombre, éclairée seulement par les deux petits cierges de l’autel, je récitais sept ou huit fois le chapelet de ma mère, espérant toujours que ce serait le dernier grain qui serait le bon ! Je pleurais dessus d’impatience et d’ardeur comme un enfant. Puis je reprenais mes sabots et je rentrais en courant à la maison. « Merci, Geneviève, me disait ma mère ; je ne suis pas guérie, mais je me sens mieux ; l’heure de Dieu n’est pas notre heure, vois-tu ; mais toutes les heures que nous lui consacrons nous sont comptées, ou pour ceci, ou pour cela ! Attendons patiemment son moment. Celui qui nous donne les jours ne nous les compte pas. Peut-être qu’il m’en garde un qui en vaudra mille contre celui qu’il n’a pas voulu me donner aujourd’hui. » Et nous reprenions toutes deux plus contentes le petit trafic de la journée. C’est cela, je pense, monsieur, qui m’a donné, tout enfant et plus tard, un grand goût pour les églises, une grande envie de servir les ministres de Dieu, et qui m’a fait faire mon vœu, comme je vais vous le raconter. Mais je vous ennuie, n’est-ce pas, monsieur ? Dites-le-moi naturellement, et je vais tout vous dire en un seul mot.

« — Non, non, lui dis-je, rien ne m’ennuie de ce qui sort avec vérité et simplicité du cœur ; racontez-moi tout, comme cela vous revient en mémoire à vous-même ; les détails, ma pauvre Geneviève, ne sont que les morceaux dont Dieu a fait l’ensemble. Qu’est-ce que serait notre vie si vous en retranchiez les jours ?

« — Ah ! c’est vrai, dit-elle, monsieur le curé le disait bien. Un million de brins d’herbe, ça fait un pré ; des millions et des millions de grains de sable, ça fait une