Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 30.djvu/194

Cette page a été validée par deux contributeurs.

succession même du temps marquée, heure par heure, sur le cadran de l’esprit humain.

Créer un journal des masses, quotidien, à grand format, à un prix d’abonnement qui ne dépasse pas cinq journées de travail ; convier tous les hommes qui, en France ou en Europe, marchent à la tête de la pensée, de la philosophie, de la science, de la littérature, des arts et même des métiers ; demander à chacun d’eux un certain nombre d’articles sur chacune des hautes spécialités où ils règnent : à celui-ci, la philosophie morale ; et celui-là, l’histoire ; à l’un, la science ; à l’autre, la poésie ; à un autre, la politique, mais la politique générale seulement et dans ses principes les plus unanimes, sans aucune polémique vive et actuelle contre les hommes et les gouvernements ; les engager à faire descendre toutes ces hautes pensées de l’intelligence jusqu’à la portée des esprits les moins abstraits, en termes clairs, précis, substantiels ; à se traduire, à se monnayer pour ainsi dire eux-mêmes de la langue savante dans la langue vulgaire ; associer à cet enseignement élémentaire, successif et varié, le récit des principaux faits nationaux ou européens, le procès-verbal complet de la journée dans l’univers entier ; faire pénétrer ainsi la clarté générale par toutes les portes, par toutes les fenêtres, par toutes les fissures des toits du peuple, et faire participer ces masses d’hommes, dans leur proportion et sans frais, à l’activité de la vie religieuse, philosophique, scientifique, littéraire et politique, comme elles participent à la vie physique par des aliments moins chers, mais aussi nourrissants : voilà cette pensée. Je n’ai pas le temps de vous la développer ici ; mais qu’il vous suffise de savoir que, pour la réaliser, il ne faudrait qu’un million par an. Oui, il suffirait qu’un million de citoyens bien intentionnés souscrivissent et ce subside des masses pour un franc par an seu-