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S’il la retrouve dans ces tableaux sans art, il s’y plaira et en désirera d’autres. Des mains plus libres et plus fraîches les lui prodigueront. La littérature populaire sera ébauchée ; elle ne peut commencer et finir que par des ouvrages de sentiment, car les classes lettrées de la population sont intelligence ; mais les classes illettrées sont surtout cœur ! C’est donc par le cœur qu’il faut élever le peuple au goût et à la culture des lettres. L’évangile du sentiment est comme l’évangile de la sainteté : il doit être prêché d’abord aux simples et dans un langage aussi simple que le cœur d’un enfant !


XXVIII


Ces idées, que je pensais tout haut devant la couturière d’Aix, me rappelèrent quelques pages que j’avais écrites quelques années avant, comme par pressentiment, sur la manière de concevoir et d’écrire l’histoire pour le peuple. Je cherchai ces pages dans mon portefeuille, et je les lui lus, Les voici :

Jusqu’à présent on a beaucoup flatté le peuple. C’était montrer qu’on ne l’estimait pas encore assez, car on ne flatte que ceux qu’on veut séduire. Pourquoi l’a-t-on flatté ? C’est qu’on faisait du peuple un instrument et non un but. On disait : La force est là ; nous en avons besoin pour soulever des gouvernements qui nous gênent, ou pour absorber des nationalités que nous convoitons ; appelons le peuple à nous, enivrons-le de lui-même ; disons-lui que le droit est dans le nombre ; que sa volonté tient lieu de justice ; que Dieu est avec les gros bataillons ; que la gloire est l’amnistie de l’histoire ; que tous les moyens sont bons