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« — Ajoutez : et aimante ! repris-je.

« — Oui, au bout du compte, il n’y a que cela, madame, n’est-ce pas ? répondit-elle en se tournant vers ma femme. Toute gloire qui ne se convertit pas en amitié, c’est du grain qui ne germe pas, c’est de la lumière qui ne chauffe pas ; monsieur a raison. »


XXVI


Je voulus aller plus loin, et tâter le vrai goût et le vrai sentiment littéraires dans le peuple, dans le cœur même de cette excellente femme, née parmi les domestiques et vivant parmi les artisans.

« Comment, lui demandai-je, mademoiselle Reine, concevriez-vous la nature d’ouvrages qui conviennent aux mœurs, aux sentiments, à l’esprit des personnes de votre condition ? Quels seraient les premiers et les meilleurs livres qu’il faudrait, si on en avait le talent, composer en commençant, pour les paysans, les domestiques, les artisans, les ouvriers, leurs femmes, leurs enfants, enfin pour tous ceux qui ont peu à lire et qui ont peu lu jusqu’à présent ?

« — Ah ! Monsieur, je ne sais pas trop ; c’est bien difficile à dire. On n’a pas de goût quand on ne l’a pas encore exercé.

« — Mais enfin, jugez par vous-même et répondez-moi : quel est l’ouvrage qui enlèverait, qui attacherait, qui impressionnerait vivement et puissamment votre âme telle qu’elle est ou telle qu’elle était avant d’avoir lu ce qu’on vous a prêté ?

« Serait-ce une belle philosophie, à la fois religieuse et