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ment on s’aime, comment on ne peut pas vivre l’un sans l’autre, comment on désire se marier ensemble pour être heureux, et comment on est séparé par des parents ambitieux qui veulent plus de biens que de bonheur pour leurs enfants. Mais enfin, mademoiselle Virginie est la fille d’un général ; elle a une tante qui en veut faire une femme de qualité ; on la met au couvent pour cela ; toutes ces aventures, bien belles cependant, ne sont pas les nôtres. Ce sont des tableaux de choses que nous n’avons pas vues et que nous ne verrons jamais chez nous, dans nos familles, dans nos ménages, dans nos états. C’est plus haut que notre main, madame, nous n’y pouvons pas atteindre. Qui est-ce donc qui fait des livres ou des poëmes pour nous ? Personne ! excepté ceux qui font des almanachs, mais encore qui les remplissent de niaiseries et de bons mots balayés de l’année dernière dans l’année nouvelle ; ceux qui font des romans que les filles sont obligées de cacher aux mères de familles honnêtes, et ceux qui font des chansons que les lèvres chastes se refusent à chanter. Je ne parle pas de M. Béranger, qui en a bien, dit-on, quelques-unes sur la conscience, mais qui met maintenant la sagesse et la bonté de son âme en couplets qui sont trop beaux pour être chantés ! Ah ! quand viendra donc une bibliothèque des pauvres gens ? Qui est-ce qui nous fera la charité d’un livre ? »


XX


Elle dit cela avec un bon sens supérieur à son éducation et avec un accent si pénétré de l’indigence intellectuelle des classes auxquelles elle appartenait, que cela me