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toujours depuis que je l’ai perdu comme cela. Quand on n’a pas beaucoup d’amis, voyez-vous, on tient au peu que le bon Dieu nous en laisse ! Celui-là m’aimait tant ! Nous nous parlions tant, nous nous fêtions tant tous les deux ! Ah ! on dit que les bêtes n’ont pas d’âme ! Je ne veux pas offenser le bon Dieu ; mais si mon pauvre oiseau n’avait pas d’âme, avec quoi donc m’aurait-il tant aimée ? Avec les plumes ou avec les pattes peut-être ? Bah ! bah ! laissons dire les savants ; j’espère bien qu’il y aura des arbres et des oiseaux en paradis, et je ne crois pas faire mal pour cela encore. Est-ce que le bon Dieu est un trompeur ? Est-ce qu’il nous ferait aimer ce qui ne serait que mort et illusion ?

« — Est-ce que vous n’avez rien écrit, Reine, sur ce chagrin qui paraît vous serrer le cœur ?

« — Si, monsieur, pas plus tard que dimanche dernier, en regardant sa cage vide et le mouron séché qui y pendait encore, et en me sentant pleurer, je me suis mise à lui écrire des vers, à mon pauvre chardonneret, comme s’il avait été là pour les entendre. Mais je n’ai pas pu les finir, cela me faisait trop de mal.

« — Dites-moi ces vers, ou du moins ceux dont vous vous souvenez, ici, là, peu importe, c’est le sentiment que j’en veux, ce ne sont pas les rimes. »

Elle chercha un moment dans sa mémoire, puis elle dit d’une voix émue et caressante, comme si elle avait parlé à l’oiseau lui-même :