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De tes yeux pour jamais sont-ils donc disparus ?
Et quand ce cœur perd tout, ah ! ne m’aimes-tu plus ? »


Les mains jointes, le front baissé sur sa poitrine,
Tristan restait muet, debout devant Hermine,
Comme un homme accusé, parmi ses ennemis,
D’un crime imaginaire et qu’il n’a pas commis,
Mais, coupable d’un autre et prêt à se confondre,
Refuse de parler et tremble de répondre.
Hermine, interprétant ce silence incertain :
« Ah ! s’il est vrai, cruel ! pourquoi, pourquoi ta main
Ne m’a-t-elle à la honte, aux flots abandonnée ?
Je mourrais moins coupable et moins infortunée !
Va, pars, arrache-moi tout dans le même instant,
Et pour suprême adieu ne me laisse en partant
Que l’éternel chagrin dont je meurs consumée,
Que la honte et l’affront d’aimer sans être aimée ! »


Le page, à ces accents dont son cœur est frappé,
Retient en vain un cri de son âme échappé.
« Aimer sans être aimée ! Ah ! je devais peut-être
Mourir avant ce cri qui vous l’a fait connaître,
Et cachant, même a moi, mes sentiments secrets,
Ne révéler qu’à Dieu le nom que j’adorais !
Mais ce reproche, Hermine, a vaincu ma constance,
Mon cœur en se brisant a trahi mon silence.
Car si jamais, ô ciel ! vous me le reprochez,
Je ne vous l’ai pas dit ! c’est vous qui l’arrachez !
Oui ! seule vous étiez ma pensée et ma vie.
Dans le fond de mon cœur, c’est vous que j’ai servie,
Dans la lice, au tournoi, c’est vous que je pensais !
J’y portais votre nom et je le prononçais !