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Va, cours ; c’est un poignard que toute heure perdue.
S’il est parti, je meurs, et c’est toi qui me tue ! »


La nourrice, à ces mots, une lampe à la main,
Descend, cherche partout Tristan sur son chemin,
Le découvre à la fin, seul, assis sous la voûte,
Ne dit qu’un mot : « Hermine ! » et, lui montrant la route,
Le conduit en silence à l’angle du préau.
C’était un promontoire au devant du château ;
Une tour dont les pieds étaient baignés par l’onde
Portait à son sommet une terrasse ronde
Dont aucun parapet ne bordait le contour.
Les pas osaient à peine en approcher le jour ;
Mais dans la nuit l’horreur du profond précipice
À des adieux furtifs rendait ce lieu propice.
La nourrice et Tristan, sans bruit et sans flambeaux,
Attendaient que la lune eût passé les créneaux.


Cependant les rumeurs qui sortent de la salle,
Les chants, les sons du cor, meurent par intervalle,
Les convives, lassés de sommeil et de vin,
S’endorment au hasard sur les bancs du festin ;
Sous des pas chancelants les corridors gémissent !
Béranger, dont les sens déjà s’appesantissent,
Appuyé sur le bras de son vieil écuyer.
Monte péniblement le tournant escalier.
Sur le dernier degré la foule qui l’escorte,
Éteignant les flambeaux, se disperse à sa porte.
Mais à peine la main de son page Obéron
A-t-elle de son pied déchaussé l’éperon,
Qu’un souvenir confus dans son cœur se réveille ;
Il veut revoir sa fille avant que tout sommeille,