Garde de nos amours longue et triste mémoire,
Et si jamais le soir trouvère ou pèlerin
D’un cœur brisé d’amour te vient chanter la fin,
Yseult, dis en toi-même : « Hélas ! c’est son histoire ! »
Or le page, frappant aux portes de la tour,
Disait à demi-voix : « Roger, voici le jour ! »
Ami, prends ces cheveux et que ma main les noue
Au plus près de ton cœur ; tu rêveras de moi :
Souvent, quand on te nomme, ils ont voilé ma joue,
Et souvent essuyé des pleurs versés pour toi ;
Ordonne qu’on les laisse à ton heure suprême
Reposer avec toi sous le même linceul,
Pour qu’au moins sous la terre où tu dormiras seul
Quelque chose de moi s’unisse à ce que j’aime !
Or le page, frappant aux portes de la tour,
Disait à demi-voix : « Roger, voici le jour ! »
Ah ! si le son d’un cor en sur saut te réveille,
Si l’acier d’un écu retentit dans la cour,
Si le pas d’un coursier résonne à ton oreille,
Si la harpe d’un barde expire sous la tour,
En mémoire de moi regarde à la fenêtre
Aussi loin que tes yeux me suivront aujourd’hui,
Et murmure en toi-même : « Yseult ! si c’était lui ? »
Ce mot, si loin de toi, je l’entendrai peut-être !