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Je dois te rendre à lui, non tel que sa misère
Te confia jadis à ta seconde mère,
Faible, nu, sans espoir que sa tendre pitié,
Mais enrichi des dons de ma noble amitié,
Mais, honorant du moins par les dons de ton maître
L’obscurité fatale où le sort te fit naître,
Je te fais châtelain de la tour d’Ildefroi ;
Ces domaines, ces champs, ces vassaux sont à toi !
Tu peux à ton vieux père y donner un asile ;
Mais toi, loin d’y languir dans un loisir stérile,
Lèves-y des soldats, va porter ta valeur
Parmi les conquérants du tombeau du Sauveur.
Va disputer un prix digne de ta vaillance,
Va mériter un nom qui couvre ta naissance ;
Après ce que tu fis et ce qu’ont vu tes yeux,
Il ne te convient plus de paraître en ces lieux,
Jusqu’à ce qu’un héros, entrant dans ma famille,
Ait pris sous son honneur la garde de ma fille ! »
Tristan ne répondit que par un seul soupir,
Et tout bas dans son cœur se dit : « J’irai mourir ! »
Mais Hermine pâlit ; comme une fraîche aurore,
Qu’un nuage subit tout à coup décolore,
Son beau front s’inclina pour cacher ses douleurs,
Et ses cils abaissés voilèrent mal ses pleurs.
Tout se tut : jusqu’au bord on n’entendit qu’à peine
Du sein des deux amants s’exhaler leur haleine ;
Les vassaux, sur la plage, avec des cris d’amour,
De leur dame chérie attendaient le retour ;
Et, prenant dans leurs bras la belle châtelaine,
La portèrent en foule aux bras de sa marraine.
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Tout est joie et tumulte aux murs de Béranger ;
Les vassaux, qui d’Hermine ont appris le danger,