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de ce temps. Elle n’avait, sur cette simple robe, ni châle ni fichu qui cachassent ses épaules ou qui empêchassent le tissu serré de soie de dessiner, comme un vêtement mouillé, les contours du corps. La robe était très-courte, comme si celle qui la portait eût grandi depuis qu’elle était faite ; elle laissait se dessiner et se poser sur le tapis deux pieds un peu plus grands et un peu moins sveltes que ceux des Françaises. Ces pieds ne portaient point de souliers ; ils flottaient en liberté dans deux pantoufles de maroquin jaune, revêtues de paillettes d’acier et brodées de lisérés de diverses couleurs. Son cou était entièrement nu ; un gros camée, retenu par un ruban de velours noir, relevait seul son éclatante blancheur. Soit effet de soleil effleurant son front par le haut de la fenêtre, soit effet de l’émotion et de la pudeur dont la présence d’un inconnu et ce qu’elle avait à me dire l’agitaient d’avance, soit nature inondée de vie, toute la coloration de sa personne semblait s’être concentrée dans son visage.

Quant à l’expression de ses yeux, d’un bleu aussi foncé que les eaux de Tivoli dans leur abîme, de sa bouche, dont les plis graves et un peu lourds semblaient à la fois envelopper et dérouler son âme, de cette douceur qui s’élançait, et de cette majesté naturelle qui se retenait dans son élan vers moi, je n’essayerai jamais de la décrire. On ne décrit pas la lumière, on la sent. Une résille de soie cramoisie, comme les femmes du Midi en mettent sur leur tête en voyage ou à la maison, enveloppait ses cheveux. Mais les larges mailles du réseau, déchirées en plusieurs endroits par le frottement de la voiture, en laissaient échapper des boucles touffues çà et là, et laissaient voir leur masse, leur souplesse et leur couleur. Ces cheveux étaient blonds, mais de cette teinte de blond qui rappelle le tuyau de la paille de froment calciné et bronzé par le mois de la