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Ce n’est qu’un seul rayon, que dans l’ombre incertaine
Les fentes du rocher laissent filtrer à peine !
Il veut du moins coller sur ce rocher jaloux
Son regard altéré de cet éclat si doux !
Il y touche : ô surprise ! une porte de pierre,
De l’antre ténébreux gigantesque barrière,
Que supportent des gonds et des verrous d’airain,
Ferme d’un mur glacé le sombre souterrain,
Et, par l’étroit canal d’un léger interstice,
Laisse à peine un passage où le regard se glisse !
Éloïm, emporté d’un désir curieux,
Aux fentes du rocher colle en tremblant ses yeux.
Il voit… ivre du trouble où cet aspect le plonge,
Il voit ce que jamais il n’avait vu qu’en songe,
Un vallon ombragé par des bois encor verts,
Une île de délice au milieu des déserts,
Des jardins, des gazons, des arbres, des fontaines
Roulant à flots plaintifs leurs ondes incertaines ;
Des sillons où les vents, sur ces bords assoupis,
Balançaient mollement les vagues des épis ;
Des fruits prêts à tomber des rameaux qui fléchissent,
Les uns encore en fleur, les autres qui jaunissent.
Il voit bondir plus loin, sur le penchant des prés,
Ces animaux jadis à l’homme consacrés,
Deux taureaux aiguisant contre un vieux sycomore
Leur corne recourbée où le joug pend encore,
Un sauvage coursier dont les longs crins épars
Ne voilent qu’à demi l’éclair de ses regards ;
De paisibles brebis aux toisons ondoyantes,
Des chevreaux suspendus aux roches verdoyantes,
La poule dont le chant dès l’aurore entendu
Avertit l’homme à jeun du fruit qu’elle a pondu ;
L’oiseau du laboureur, le pigeon, l’hirondelle
Fidèle après cent ans au toit qui la rappelle,