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Cependant, quand le cri de leurs pressants besoins
Pour soutenir leurs jours sollicitait leurs soins,
On ne les voyait pas, levés avant l’aurore,
Coucher le blond froment sur le sillon qu’il dore,
Des épis desséchés dérouler les faisceaux,
Faire jaillir le grain sous les bruyants fléaux,
Recueillir en chantant les doux présents des treilles,
Dérober aux forêts le nectar des abeilles,
Fouler d’un pied rougi par le suc du raisin
Le pressoir ruisselant des flots ambrés du vin,
Ni du fanon gonflé des fécondes génisses
Faire écumer le lait dans de brillants calices.
Tous ces dons prodigués au travail des humains
Semblaient s’être taris sous leurs coupables mains ;
Les arbres languissants sans séve et sans culture,
N’étalant qu’à regret une rare verdure
Aux feux d’un astre éteint ne voyaient plus mûrir
Ces fruits qu’à nos besoins leurs bras semblaient offrir !
Les animaux rendus à leur indépendance,
De l’homme dégradé dédaignant la présence,
Ne reconnaissaient plus sur son front profané
Le signe du pouvoir dont Dieu l’avait orné ;
Le taureau, brandissant sa corne menaçante,
Ne tendait plus au joug sa tête obéissante ;
L’étalon indompté ne mordait plus le frein ;
L’agile lévrier ne léchait plus sa main ;
Le coq, abandonnant le seuil de ses demeures,
Au pâtre vigilant ne chantait plus les heures ;
La fidèle colombe avait fui dans les bois,
Et l’oiseau domestique, effrayé de sa voix,
Ne venait plus lui pondre au retour de l’aurore
Ces doux fruits de son nid, ravis avant d’éclore !
Mais seul, abandonné de ses sujets divers,
Ce roi des animaux, de la terre et des mers,