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COMMENTAIRE


DE LA NEUVIÈME HARMONIE




Ma mère a été la plus grande, la plus douce et la plus permanente occupation de ma pensée. J’espérais la conserver jusqu’à mes jours les plus avancés. La jeunesse perpétuelle de son âme se communiquait à son visage. Les années n’avaient laissé aucune trace sur ses traits : à soixante-six ans, on la confondait avec ses filles. Elle était conservée par l’atmosphère de résignation, de piété et de paix intérieure, dans laquelle elle s’enveloppait comme ces parfums fugitifs, ou comme ces fleurs rares qu’on empêche de s’évaporer ou de se flétrir en les préservant du contact de l’air terrestre. Les circonstances de sa mort ajoutèrent pour moi à la douleur de sa perte.

Je l’avais laissée pour quelques jours rayonnante de bonheur, d’espérance et de vie. J’étais à Paris. Un matin, en entrant dans le bain, elle trouva l’eau trop froide ; elle était seule ; elle ouvrit le conduit d’eau chaude, l’eau bouillante la frappa d’un jet qui jaillit jusqu’à sa poitrine : elle s’évanouit. On accourut à son cri, il était trop tard. On la reporta dans son lit ; elle reprit connaissance, souffrit deux jours, pria constamment, se réjouit de ce que je n’étais pas là, pour m’éviter, disait-elle, le spectacle de