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Nos vers morts, et formés de syllabes muettes,
Si Dieu ne retentit dans la voix des poëtes ;
Leur donner ce qu’il a, puissance et vérité,
Et ce que l’homme entend par immortalité,
C’est-à-dire un écho qui dure une seconde
Sur cet atome obscur que nous nommons un monde,
Semblable, hélas ! à peine au retentissement
Qui le soir sous les bois se prolonge un moment,
Quand, le pâtre brisant son chalumeau sonore,
Du son qu’il n’entend plus l’air ému vibre encore !
Et même de ce prix ne soyons point jaloux :
Chantons pour soulager ce qui gémit en nous !
Quand la source à la mer a versé son eau pure,
Qu’importe si l’abîme étouffe son murmure ?
Qu’importe si les vents dispersent sur les mers
Le cri qu’a jeté l’aigle en traversant les airs,
Quand l’oiseau, s’élevant des rochers du rivage,
Plane dans le rayon au-dessus du nuage,
Qu’il n’entend plus la vague, et qu’il voit sous ses yeux
Ces abîmes d’azur qui sont pour nous les cieux ?