Sur les mers de ce monde il n’est jamais de port,
Et le naufrage seul nous jette sur le bord !
Jeune encor, j’ai sondé ces ténèbres profondes :
La vie est un degré de l’échelle des mondes
Que nous devons franchir pour arriver ailleurs.
Souvent, les pieds meurtris, le front blanc de sueurs,
Comme un homme essoufflé qui monte un sentier rude
Se repose un moment, vaincu de lassitude,
Sur cette marche même, hélas ! qu’il faut franchir
Ou pour reprendre haleine ou pour se rafraîchir,
On s’arrête, on s’assied, on voit passer la foule,
Qui sur l’étroit degré se coudoie et se foule ;
On reconnaît de l’œil et du cœur ses amis,
Les uns par le courage et l’espoir affermis,
Montant d’un pas léger que rien ne peut suspendre,
Les autres chancelants et prêts à redescendre.
C’est parmi ces derniers que mon œil te trouva ;
Tu tombais, je criai : le Seigneur te sauva !
Tu repris ton élan vers la céleste porte.
Honneur en soit rendu, non à cette voix morte,
Mais au Dieu qui donna la vie à mes accents,
Qui met le trait sur l’arc et la flamme à l’encens,
Fait un écho vivant de nos lèvres muettes,
Et dans nos cœurs fêlés verse ses eaux parfaites !
Ton cœur était l’or pur caché dans le filon,
Qui n’attend pour briller que l’heure et le rayon ;
La perle au fond des mers sous l’écaille captive,
Qu’un pêcheur dans ses rets amène sur la rive.
L’or ne doit point de grâce aux sondes du mineur,
Ni la perle aux filets ; mais tous deux au Seigneur,
Dont le regard divin scrute la terre et l’onde,
Et dirige lui seul le filet ou la sonde.
Ainsi la vérité t’attendait à son jour,
Et sa voix dans ta voix va parler à son tour !
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