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» Qu’il est rare, ô mon Dieu, que ta main nous accorde
Ces temps, ces temps de grâce et de miséricorde,
Où l’homme peut jeter ce long cri de bonheur,
Sans qu’un soupir, faussant le cantique d’ivresse,
Vienne en secret mêler aux concerts d’allégresse
L’accent d’une douleur !

» Mais béni soit mon temps ! le monde enfin respire ;
De trente ans de combats le bruit lointain expire :
La terre enfante l’homme, et n’a plus soif de sang !
Sur deux mondes unis qui marchent en silence
On n’entend que la voix de la reconnaissance
Qui monte et redescend.

» Les rois ont recouvré leur divin héritage ;
Les peuples, leur rendant un légitime hommage,
Ont placé dans leurs mains le sceptre de la loi !
Elle brille à leurs yeux comme un céleste phare,
Et dans le temple en deuil leur piété répare
Les débris de la foi.

» L’homme voit sur les mers ses flottes mutuelles
À tous les vents du ciel ouvrir leurs libres ailes ;
La sueur de son front ne germe que pour lui ;
Et partout dans la loi, sourde comme la pierre,
Le crime a son vengeur, la force sa barrière,
Le faible son appui.

» En génie, en vertu, la terre encor féconde
Ouvre un champ sans limite à l’avenir du monde ;