Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/458

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Mais ma faiblesse en vain murmure ;
Le cri d’un peuple entier, l’ordre de la nature,
Du ciel sont l’arrêt souverain !
Hélas ! il faut régner ! Régner ? quel mot suprême !
Être ici-bas ton ombre ! ô mon Dieu ! viens toi-même
Tenir le sceptre dans ma main !

Que l’onction qu’on va répandre
Me donne la vertu de craindre et de défendre
Ce trône où je suis condamné !
Et que l’huile sacrée en coulant sur ma tête
Me prépare au combat que cette heure m’apprête,
Comme un athlète couronné.

Que jamais mon œil ne sommeille !
Que tes anges, Seigneur, portent à mon oreille
Ces soupirs, les remords des rois !
Que mon nom luise égal sur mes vastes provinces !
Que le denier du pauvre et le trésor des princes
Y soient pesés du même poids !

Que, s’élevant en ma présence,
Les cris de l’opprimé, les pleurs de l’innocence
M’apportent les besoins du dernier des mortels !
Que l’orphelin tremblant, que la veuve qui pleure,
Près de mon trône admis, l’embrassent à toute heure
Comme les marches des autels !

Aux conquérants livre la gloire !
Qu’aux cœurs de mes sujets ma paisible mémoire