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Ou le tintement sourd des gothiques armures
Qui jettent par moments d’aigres et longs murmures.
L’ombre déjà blanchit ; tout est prêt ; qu’attend-on ?
Entendez-vous là-haut rouler ce vaste son,
Qui, comme un bruit des vents dans des forêts plaintives,
Gronde avec majesté d’ogives en ogives,
Par les sacrés échos répété douze fois,
Du dôme harmonieux fait vibrer les parois,
Et, tandis qu’à ses coups la voûte tremble encore,
Semble sortir du marbre et rendre l’air sonore ?
C’est l’airain de la tour qui murmure minuit :
Minuit ! l’heure sacrée !… Écoutez ! À ce bruit,
Les lourds battants d’airain, brisant leurs gonds antiques,
Ouvrent du temple saint les immenses portiques ;
On entend au dehors l’acier heurter l’acier,
Le marbre frissonner sous le fer du coursier,
Ou les pas des guerriers, dont le bruit monotone
Ébranle, à temps égaux, le caveau qui résonne.
Cent chevaliers couverts de l’éclatant cimier
Entrent. Quel est celui qui marche le premier ?

Son port majestueux sur la foule s’élève ;
L’or fait étinceler le pommeau de son glaive ;
Flottante à son côté, son écharpe à longs plis
Balaye en retombant les marches du parvis ;
De longs éperons d’or embrassent sa chaussure,
Et sur l’écu royal qui couvre son armure,
Du sanctuaire en feu tout l’éclat reflété
Jette au loin sur ses pas des gerbes de clarté.
De son casque superbe il lève la visière ;
Son panache éclatant flotte et penche en arrière,
Et laisse contempler au regard enchanté
D’un front mâle et serein la douce dignité.