Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/444

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’autel est ombragé d’armes et d’étendards ;
Ceux que la Palestine a vus sur ses remparts,
Ceux qu’enleva Philippe aux plaines de Bovines,
Et ceux qui d’Orléans sauvèrent les ruines,
Ce panache d’Ivry que fit flotter un roi,
Ceux que ravit Condé sous les feux de Rocroi,
Ceux enfin qui, guidant les fils de la victoire,
Du Tage au Borysthène ont porté notre gloire,
Et n’ont rien rapporté de Vienne et d’Austerlitz
Que cent noms immortels sur leurs lambeaux écrits !
Noirs, souillés, mutilés, teints de sang et de poudre,
Déchirés par le sabre ou percés par la foudre,
Pendant du haut des murs, entre leurs plis mouvants
De ce dôme sonore emprisonnent les vents,
Et semblent murmurer, en roulant sur leur lance :
« Voila l’ombre qui sied au front d’un roi de France ! »




Le temple est vide encore : aux marches de l’autel,
Un pontife vêtu de l’éphod solennel
Semble attendre le jour, l’heure, l’instant suprême
Par la voix de l’airain frappé dans le ciel même :
Cent lévites, couverts de vêtements sacrés,
Du brillant sanctuaire entourent les degrés ;
Le regard suit au loin leurs onduleuses files ;
Debout, l’œil attentif, en silence, immobiles,
Ils tiennent d’une main les encensoirs flottants ;
L’autre, pressant la chaîne aux anneaux éclatants,
Semble prête à lancer vers la voûte enflammée
L’urne où déjà l’encens monte en flots de fumée.
On n’entend aucun bruit sous les divins arceaux,
Qu’un léger cliquetis de fer dans les faisceaux,