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Et ne dise à son peuple-roi :
« C’est lui qui, disputant ta proie à ta colère,
» Voulant sauver du sang ta robe populaire,
» Te crut généreux. Venge-toi ! »

Non, le Dieu qui trempa mon âme
Dans des torrents de force et de virilité,
N’eût pas mis dans un cœur de femme
Cette soif d’immortalité.
Que l’autel de la Peur serve d’asile au lâche !
Ce cœur ne tremble pas aux coups sourds d’une hache,
Ce front levé ne pâlit pas ;
La mort qui se trahit dans un signe farouche
En vain, pour m’avertir, met un doigt sur sa bouche :
La gloire sourit au trépas.

Il est beau de tomber victime
Sous le regard vengeur de la postérité,
Dans l’holocauste magnanime
De sa vie à la vérité !
L’échafaud pour le juste est le lit de sa gloire :
Il est beau d’y mourir au soleil de l’histoire,
Au milieu d’un peuple éperdu ;
De léguer un remords à la foule insensée,
Et de lui dire en face une mâle pensée,
Au prix de son sang répandu.

« Peuple, dirai-je, écoute, et juge !
Oui, tu fus grand, le jour où du bronze affronté
Tu le couvris, comme un déluge,
Du reflux de la liberté !