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L’œuvre toujours finie et toujours commencée
Manifeste à jamais l’éternelle pensée :
Chaque halte pour Dieu n’est qu’un point de départ.
Gravissant l’infini qui toujours le domine,
Plus il s’élève, et plus la volonté divine

S’élargit avec son regard !


Il ne s’arrête pas pour mesurer l’espace,
Son pied ne revient pas sur sa brûlante trace,
Il ne revoit jamais ce qu’il vit en créant ;
Semblable au faible enfant qui lit et balbutie,
Il ne dit pas deux fois la parole de vie :

Son Verbe court sur le néant !


Il court, et la nature à ce Verbe qui vole
Le suit en chancelant de parole en parole :
Jamais, jamais demain ce qu’elle est aujourd’hui !
Et la création, toujours, toujours nouvelle,
Monte éternellement la symbolique échelle

Que Jacob rêva devant lui !


Et rien ne redescend à sa forme première :
Ce qui fut glace et nuit devient flamme et lumière ;
Dans les flancs du rocher le métal devient or ;
En perle au fond des mers le lit des flots se change ;
L’éther en s’allumant devient astre, et la fange

Devient homme, et fermente encor !


Puis un souffle d’en haut se lève ; et toute chose
Change, tombe, périt, fuit, meurt, se décompose,
Comme au coup de sifflet des décorations ;
Jéhovah d’un regard lève et brise sa tente,
Et les camps des soleils suspendent dans l’attente

Leurs saintes évolutions.