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Qu’il faudrait le chercher en moi, comme aujourd’hui,
Et que le désespoir pouvait douter de lui :
J’aurais ri dans mon cœur de ma crainte insensée,
Ou j’aurais eu pitié de ma propre pensée.
Et les jours ont passé courts comme le bonheur,
Et les ans ont brisé l’image de mon cœur :
Tout s’est évanoui ! Mais le souvenir reste
De l’apparition matinale et céleste ;
Et comme ces mortels des temps mystérieux
Que visitaient jadis des envoyés des cieux,
Quand leurs yeux avaient vu la divine lumière,
S’attendaient à la mort et fermaient leur paupière,
Au rayon pâlissant de mon soir obscurci,
Je dis : « J’ai vu mon Dieu ; je puis mourir aussi ! »
Mais Celui dont la vie et l’amour sont l’ouvrage
N’a pas fait le miroir pour y briser l’image !





Et, sûr de l’avenir, je remonte au passé.
Quel est, sur ce coteau du matin caressé,
Aux bords de ces flots bleus qu’un jour du matin dore,
Ce toit champêtre et seul, d’où rejaillit l’aurore ?
La fleur du citronnier l’embaume, et le cyprès
L’enveloppe au couchant d’un rempart sombre et frais,
Et la vigne, y couvrant de blanches colonnades,
Court en festons joyeux d’arcades en arcades ;
La colombe au col noir roucoule sur les toits,
Et sur les flots dormants se répand une voix,
Une voix qui cadence une langue divine,
Et d’un accent si doux, que l’amour s’y devine.
Le portique au soleil est ouvert : une enfant
Au front pur, aux yeux bleus, y guide en triomphant