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Dont le cœur feint l’amour, dont l’œil sait l’imiter,
Et que l’orgueil ou l’or font encore palpiter :
Plongeons-nous tout entiers dans ces mers de délices ;
Puis, au premier dégoût trouvé dans ces calices,
Avant l’heure où les sens, de l’ivresse lassés,
Font monter l’amertume et disent : « C’est assez ! »
Voilà la coupe pleine où de son ambroisie
Sous les traits du sommeil la mort éteint la vie ;
Buvons : voilà le flot qui ne fera qu’un pli
Et nous recouvrira d’un éternel oubli,
Glissons-y ; dérobons sa proie à l’existence,
À la mort sa douleur, au destin sa vengeance,
Ces langueurs que la vie au fond laisse croupir,
Et jusqu’au sentiment de son dernier soupir ;
Et, fût-il un réveil même à ce dernier somme,
Défions le destin de faire pis qu’un homme ! »





Mais cette lâche idée, où je m’appuie en vain,
N’est qu’un roseau pliant qui fléchit sous ma main :
Elle éclaire un moment le fond du précipice,
Mais comme l’incendie éclaire l’édifice,
Comme le feu du ciel dans le nuage errant
Éclaire l’horizon, mais en le déchirant ;
Ou comme la lueur lugubre et solitaire
De la lampe des morts qui veille sous la terre,
Éclaire le cadavre aride et desséché,
Et le ver du sépulcre à sa proie attaché.

Non, dans ce noir chaos, dans ce vide sans terme,
Mon âme sent en elle un point d’appui plus ferme,