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Ou courait pour courir ; et sa voix argentine,
Écho limpide et pur de son âme enfantine,
Musique de cette âme où tout semblait chanter,
Égayait jusqu’à l’air qui l’entendait monter.

Mais pourquoi m’entraîner vers ces scènes passées ?
Laissons le vent gémir et le flot murmurer ;
Revenez, revenez, ô mes tristes pensées !

Je veux rêver et non pleurer.






Mon image en son cœur se grava la première,
Comme dans l’œil qui s’ouvre au matin, la lumière ;
Elle ne regarda plus rien après ce jour :
De l’heure qu’elle aima, l’univers fut amour !
Elle me confondait avec sa propre vie,
Voyait tout dans mon âme ; et je faisais partie
De ce monde enchanté qui flottait sous ses yeux,
Du bonheur de la terre et de l’espoir des cieux.
Elle ne pensait plus au temps, à la distance ;
L’heure seule absorbait toute son existence ;
Avant moi, cette vie était sans souvenir ;
Un soir de ces beaux jours était tout l’avenir !
Elle se confiait à la douce Nature
Qui souriait sur nous ; à la prière pure
Qu’elle allait, le cœur plein de joie, et non de pleurs,
À l’autel qu’elle aimait répandre avec ses fleurs :
Et sa main m’entraînait aux marches de son temple,
Et comme un humble enfant je suivais son exemple,
Et sa voix me disait tout bas : « Prie avec moi ;
Car je ne comprends pas le ciel même sans toi ! »