Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 3.djvu/21

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Dans le champêtre enclos qui soupire après l’onde,
Un puits dans le rocher cache son eau profonde,
Où le vieillard qui puise, après de longs efforts
Dépose en gémissant son urne sur les bords ;
Une aire où le fléau sur l’argile étendue
Bat à coups cadencés la gerbe répandue,
Où la blanche colombe et l’humble passereau
Se disputent l’épi qu’oublia le râteau ;
Et sur la terre épars des instruments rustiques,
Des jougs rompus, des chars dormant sous les portiques,
Des essieux dont l’ornière a brisé les rayons,
Et des socs émoussés qu’ont usés les sillons.

Rien n’y console l’œil de sa prison stérile,
Ni les dômes dorés d’une superbe ville,
Ni le chemin poudreux, ni le fleuve lointain,
Ni les toits blanchissants aux clartés du matin :
Seulement, répandus de distance en distance,
De sauvages abris qu’habite l’indigence,
Le long d’étroits sentiers en désordre semés,
Montrent leur toit de chaume et leurs murs enfumés,
Où le vieillard, assis au bord de sa demeure,
Dans son berceau de jonc endort l’enfant qui pleure ;
Enfin un sol sans ombre et des cieux sans couleur,
Et des vallons sans onde ! — Et c’est là qu’est mon cœur !
Ce sont là les séjours, les sites, les rivages
Dont mon âme attendrie évoque les images,
Et dont pendant les nuits mes songes les plus beaux
Pour enchanter mes yeux, composent leurs tableaux !

Là chaque heure du jour, chaque aspect des montagnes,
Chaque son qui le soir s’élève des campagnes,