» Que d’êtres animait ton âme intarissable,
Depuis l’humble fourmi dans ses cités de sable
Jusqu’à l’aigle du ciel qui dormait sur le vent !
Dans tes jeux infinis que de force et de grâce,
Depuis le cygne blanc qui vogue sur la trace
Du cygne sur l’onde glissant,
Depuis le doux ramier dont le cou s’entrelace
Au cou du ramier gémissant,
Depuis le paon altier dont l’aube peint la roue,
Depuis le lévrier dont les flancs sont la proue,
Depuis le fier coursier au cœur obéissant,
Jusqu’au lourd éléphant, tour vivante et mobile,
Que la voix d’un enfant par l’amour rend docile,
Jusqu’au lion frémissant
Qui d’un ongle courbé creuse en vain la poussière,
Fait dans ses sourds naseaux rugir l’air menaçant,
Et, de son cou gonflé secouant la crinière,
Renvoie obliquement l’éclair de la lumière,
Et n’a sous sa paupière
Que des feux et du sang !
» Et quelle vaste intelligence
S’élevait par degrés de la terre au Seigneur,
Depuis l’instinct grossier de la brute existence,
Depuis l’aveugle soif du terrestre bonheur,
Jusqu’à l’âme qui loue, et qui prie, et qui pense,
Jusqu’au soupir d’un cœur
Qu’emporte d’un seul trait l’immortelle espérance
Au sein de son auteur !
» Ô race aveugle ! ô race à sa perte obstinée !
Hommes qui n’avez rien conquis que le trépas,