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Quelques buissons de ronce, où l’enfant des hameaux
Cueille un fruit oublié, qu’il dispute aux oiseaux ;
Où la maigre brebis des chaumières voisines
Broute, en laissant sa laine en tribut aux épines :
Lieux que ni le doux bruit des eaux pendant l’été,
Ni le frémissement du feuillage agité,
Ni l’hymne aérien du rossignol qui veille,
Ne rappellent au cœur, n’enchantent pour l’oreille ;
Mais que, sous les rayons d’un ciel toujours d’airain,
La cigale assourdit de son cri souterrain.
Il est dans ces déserts un toit rustique et sombre
Que la montagne seule abrite de son ombre,
Et dont les murs, battus par la pluie et les vents,
Portent leur âge écrit sous la mousse des ans.
Sur le seuil désuni de trois marches de pierre,
Le hasard a planté les racines d’un lierre
Qui, redoublant cent fois ses nœuds entrelacés,
Cache l’affront du temps sous ses bras élancés,
Et, recourbant en arc sa volute rustique,
Fait le seul ornement du champêtre portique.
Un jardin qui descend au revers d’un coteau,
Y présente au couchant son sable altéré d’eau ;
La pierre sans ciment, que l’hiver a noircie,
En borne tristement l’enceinte rétrécie ;
La terre, que la bêche ouvre à chaque saison,
Y montre à nu son sein sans ombre et sans gazon ;
Ni tapis émaillés, ni cintres de verdure,
Ni ruisseau sous des bois, ni fraîcheur, ni murmure ;
Seulement sept tilleuls par le soc oubliés,
Protégeant un peu d’herbe étendue à leurs pieds,
Y versent dans l’automne une ombre tiède et rare,
D’autant plus douce au front sous un ciel plus avare ;
Arbres dont le sommeil et des songes si beaux
Dans mon heureuse enfance habitaient les rameaux !