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Là sont tant de larmes versées
Pendant ton exil sous les cieux,
Tant de prières élancées
Du fond d’un cœur tendre et pieux ;
Là tant de soupirs de tristesse,
Tant de beaux songes de jeunesse.
Là les amis qui t’ont quitté,
Épiant ta dernière haleine,
Te tendent leur main, déjà pleine
Des dons de l’immortalité !

Ne vois-tu pas des étincelles
Dans les ombres poindre et flotter ?
N’entends-tu pas frémir les ailes
De l’esprit qui va t’emporter ?
Bientôt, nageant de nue en nue,
Tu vas te sentir revêtue
Des rayons du divin séjour,
Comme une onde qui s’évapore
Contracte, en montant vers l’aurore,
La chaleur et l’éclat du jour.

Encore une heure de souffrance,
Encore un douloureux adieu :
Puis endors-toi dans l’espérance,
Pour te réveiller dans ton Dieu !
Tel, sur la foi de ses étoiles,
Le pilote, pliant ses voiles,
Pressent la terre sans la voir,
S’endort en rêvant les rivages,
Et trouve, en s’éveillant, des plages
Plus sereines que son espoir.