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COMMENTAIRE


DE LA TREIZIÈME HARMONIE




Je ne sais quel jour de quelle année, vers 1824, je vis arriver Victor Hugo à Saint-Point, accompagné de sa femme, alors dans la première fleur de sa beauté, d’un petit enfant, et de Charles Nodier, qui commençait déjà à vieillir, et sa fille. Ils allaient en Suisse ou en Italie. Ils s’arrêtèrent quelques jours dans ma retraite. Victor Hugo, Nodier et moi, nous passâmes le temps à errer dans les montagnes. Mes deux hôtes laissèrent à Saint-Point un parfum de poésie et d’amitié.

Depuis lors Nodier, plante alpestre du haut Jura qui n’a jamais pu se bien acclimater à Paris, est mort. La nature fait peu d’hommes si charmants et si divers. Il y avait du paysan, du gentilhomme, de l’émigré, du républicain, du chevalier, de l’homme de lettres, du savant, du poëte, du paresseux surtout, en lui. Débauche d’esprit et de caractère de la Nature, dans un jour de caprice et de luxe. Ou aurait pu faire dix hommes de Nodier, et il n’y en avait pas un tout entier en lui ; mais les fragments étaient admirables. Victor Hugo a vécu, grandi, et grandit encore. Nous sommes restés amis ; nous le serons, je crois, toujours. Il n’y a point de petitesses dans sa nature. Les rivalités sont des petitesses : Hugo ne les connaît pas. C’est un grand signe pour lui.