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Il fuit, et ses rives fanées
M’annoncent déjà qu’il est tard ;
Il fuit, et mes vertes années
Disparaissent de mon regard !
Chaque projet, chaque espérance
Ressemble à ce liège qu’on lance
Sur la trace des matelots,
Qui ne s’éloigne et ne surnage
Que pour mesurer le sillage
Du navire qui fend les flots.

Où suis-je ? Est-ce moi ? Je m’éveille
D’un songe qui n’est pas fini :
Tout était promesse et merveille
Dans un avenir infini.
J’étais jeune !… Hélas ! mes années
Sur ma tête tombent fanées,
Et ne refleuriront jamais !
Mon cœur était plein,… il est vide !
Mon sein fécond,… il est aride !
J’aimais : … où sont ceux que j’aimais ?

Mes jours, que le deuil décolore,
Glissent avant d’être comptés ;
Mon cœur, hélas ! palpite encore
De ses dernières voluptés.
Sous mes pas la terre est couverte
De plus d’une palme encor verte,
Mais qui survit à mes désirs ;
Tant d’objets chers à ma paupière
Sont encor là, sur la poussière
Tiède de mes brûlants soupirs !