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très-souples et très-fins, d’un brun doré comme l’écorce mûre de la châtaigne, tombant en ondes plutôt qu’en boucles sur mon cou bruni par le hâle ; la taille haute déjà pour mon âge, les mouvements lestes et flexibles ; seulement une extrême délicatesse de peau, qui me venait aussi de ma mère, et une facilité à rougir et à pâlir qui trahissait la finesse des tissus, la rapidité et la puissance des émotions du cœur sur le visage ; en tout le portrait de ma mère, avec l’accent viril de plus dans l’expression : voila l’enfant que j’étais alors. Heureux de formes, heureux de cœur, heureux de caractère, la vie avait écrit bonheur, force et santé sur tout mon être. Le temps, l’éducation, les fautes, les hommes, les chagrins, l’ont effacé ; mais je n’en accuse qu’eux et moi surtout.


VII


Mon éducation était toute dans les yeux plus ou moins sereins et dans le sourire plus ou moins ouvert de ma mère. Les rênes de mon cœur étaient dans le sien. Elle ne me demandait que d’être vrai et bon. Je n’avais aucune peine à l’être : mon père me donnait l’exemple de la sincérité jusqu’au scrupule ; ma mère, de la bonté jusqu’au dévouement le plus héroïque. Mon âme, qui ne respirait que la bonté, ne pouvait pas produire autre chose. Je n’avais jamais à lutter ni avec moi-même ni avec personne. Tout m’attirait, rien ne me contraignait. Le peu qu’on m’enseignait m’était présenté comme une récompense. Mes maîtres n’étaient que mon père et ma mère ; je les voyais lire, et je voulais lire ; je les voyais